mercredi, décembre 14, 2005

Jour 7 (bis) : Kebili-Douz (18 juillet 2005)

Kebili, changement ultime vers Douz : on se regarde, ne parlons pas trop vite, ici tout peut arriver et généralement pas ce que l'on souhaitait. Mais on trouve rapidement un louage, enfin après avoir attendu que Jon finisse de discuter avec un énième inconnu qu'il ne reverra jamais. Ce type a une capacité extraordinaire à attirer les gens et il aime ça. Je me dis que la cohabitation va être difficile, j'ai horreur de perdre du temps à des futilités. Les gens ici aiment poser les mêmes questions, à l'infini, ces questions qui ne veulent rien dire mais demandent une bonne dizaine de minutes d'attention que je n'ai pas. Je suis fatiguée, je veux rentrer, me poser dans une chambre, prendre une douche, arrêter ce cycle infernal attente/louage/attente. Je m'exaspère, il ne comprend pas, je passe probablement pour une sociopathe mais ça m'est égal.
Nous trouvons enfin une voiture mais il faut payer les trois places restantes ; on n'hésite pas trop, tout le monde est épuisé. Quelques instants plus tard, le chauffeur nous demande où nous déposer "Hôtel la Tente s'il vous plaît""Vous allez dans le désert?" Aïe, je n'aurais jamais dû laisser Jon tout seul avec le chauffeur, le voilà parti dans une conversation dont il ne mesure pas encore les conséquences. je tends l'oreille mais ne perçois rien et j'enrage.
Bien entendu, le louage s'arrête devant un autre hôtel - où le chauffeur a une commission- et nous voilà immédiatement entourés d'une flopée de guides. "Tu veux aller dans le désert?" "Moi, c'est pas cher!" "Tu connais l'hôtel Merzaoui?"
Je suis assez remontée contre Jon mais ne laisse rien paraître. Sa confiance en l'humanité n'est pas à mettre en cause. Et puis, cela pourra peut-être lui apprendre à se méfier à l'avenir.
Je finis par devenir grossière avec ces jeunes gens, récupère mon petit monde et on se dirige vers notre hôtel. Négociation des tarifs et repos bien mérité dans les chambres. La nôtre a la clim', ce qui est d'autant plus comique qu'Igor a parlé toute la journée d'air conditionné et que nous avons refusé son choix d'hôtel (climatisé donc) car il coûtait trop cher.
L'hôtel est fort agréable. Les chambres du premier étage sont dotées de jolis plafonds de brique en forme de voûte et disposées autour d'une terrasse très appréciable une fois la nuit tombée. Il n'est pas pensable d'y demeurer la journée, il y fait tellement chaud qu'il est impossible d'y rester pieds nus.
Je commence à vraiment apprécier la compagnie de mes petits potes de voyage. Les Slovènes en particulier sont très drôles : d'abord un peu froid, voire renfrogné, ils se sont finalement révélé très chaleureux et dotés d'un sens de l'humour très aiguisé. Matt et Jon sont aussi adorables et vraiment amusants, mais c'est différent, surement parce qu'ils se sont trouvés dans ce voyage et que j'ai parfois l'impression d'être de trop avec eux. Les frères sont, à mon avis, plus ouverts sur les autres parce que c'est précisément nous qu'ils découvrent. J'aime notamment l'humour absurde d'Alech et je suis triste qu'il reparte dans deux jours en Slovénie. Il me demande combien de temps il me reste en Tunisie. Je calcule rapidement "Quatre semaines". Je ne réalise pas alors que je suis dans l'erreur et qu'il ne m'en reste que trois, mais cette découverte me choque profondément. Comment c'est possible? Je ne vais pas réussir à tenir quatre semaines seule dans ce pays de fous! Je me suis tellement habituée à leur présence rassurante à mes côtés, comment me faire alors au fait de me retrouver toute seule?
Je vais me coucher, je suis trop triste pour penser à rien, je ne veux plus les voir en sachant qu'ils vont bientôt me quitter. J'ai envie de pleurer et je leur en veux de m'abandonner.
Je sais pertinemment que c'est égoïste et injuste mais la déception prend le dessus. Quand il décident de sortir manger, je ne les accompagne pas et reste sur la terrasse à ruminer mon sort comme un rat en contemplant le ciel. La soirée est longue, ils rentrent tard avec du vin, des bières, et surtout une cohorte de 30 adolescents qui a envahi l'hôtel. Je commence à ressentir de puissantes envies de meurtre et envoie sévèrement promener Jon qui a eu la malheureuse idée de passer par la chambre. Longue nuit en perspective...