mercredi, décembre 14, 2005

Jour 7 : Gafsa-Metlaoui-Tozeur-Kebili (18 juillet 2005)

La matinée est dévolue à mes tentatives de faire se lever ces marmottes pour parvenir à temps à Metlaoui. Nous voulons prendre le Lézard Rouge, ancien train minier dédié à l'usage exclusif du bey de l'époque et dont la constructions des voies (en plein coeur d'un canyon inaccessible autrement) a été probablement une des plus grandes folies du pays. Mais pour cela, il ne faut pas rater l'heure de départ du train qui ne part qu'une fois par jour.
Nous arrivons largement à temps, plus d'une heure en avance, et je me sens un peu embarrassée d'avoir bousculé tout ce petit monde à une heure si matinale. Mais les deux frères ont vite fait de me mettre à l'aise en se moquant exagérément de mon manque de jugeotte.
Le train se meut enfin, et l'on traverse doucement les gorges de Selja. C'est assez impressionnant ces canyons séculaires traversés par des rivières de phosphate noir. On dirait du pétrole émanant des entrailles de la roche. Arrêt à Redeyef, au bout de la ligne, en plein coeur de l'aridité sahélienne ; bêtement, je n'ai pas pensé à vérifier ce détail, et je n'ai pas imaginé une seule seconde que ce stop en rase campagne pouvait constituer un réel point de départ pour une destination passionnante : les oasis de montagne. Nous reprenons donc naturellement le chemin du retour au long rythme lancinant de cette miniature de l'Orient-Express. Les oasis de montagne sont une originalité de la région : trois villages de crête s'accrochent à la roche, l'agrémentant du vert de leurs palmeraies. un spectacle sans aucun doute époustouflant, mais auquel je n'aurai pas le plaisir de goûter.
On va vers Tozeur maintenant, pour finir à Douz, si les dieux des louages nous accompagnent. Alech, le plus jeune des frères slovènes, s'arrête pour acheter une bouteille d'eau et ressort avec une multitude de friandises :"le vendeur m'a donné ça en disant que j'étais maintenant son meilleur ami en Tunisie"...
Louage trouvé et nous repartons aussi vite que nous sommes arrivés. En revanche, Tozeur nous fait attendre, attendre, attendre encore et toujours attendre. On nous a posés là dans un coin de la station en attendant de trouver trois autres personnes pour Douz. Certains dorment, d'autres jouent au football, les autres enfin lisent. Au bout de près de deux heures d'attente pendant lesquelles personne n'est venu étoffer l'intérieur de notre louage, nous décidons avec Jon de vérifier si aucun bus ne pourrait couvrir la liaison. Une chance, la station est à peine à 20 mètres de là. Je tente une escapade méritée vers les toilettes de la gare, tentative immédiatement avortée en raison de l'état déplorable de celles-ci : comme si une nuée de malades s'était donné rendez-vous pour rejeter de leurs corps et par tous les orifices possibles l'intérieur de leur organisme sans tirer la chasse.
J'ai bien failli tourner de l'oeil mais me ressaisis et rejoins Jon qui s'enquiert des horaires de bus pour Douz. "Désolé mais le dernier est parti il y a un quart d'heure à peine." Ouh là, ça sentirait pas comme une bonne journée de galère, là? En tout cas, ça en a clairement la saveur.
On repart dépités, et avant même qu'on ait eu le temps d'annoncer la mauvaise nouvelle, les autres se jettent sur nous : "c'est bon, on part, dépêchez-vous!" En effet, le chauffeur du louage voyant que nous nous dirigions vers la solution bus, a probablement pris peur de perdre une clientèle nombreuse et préfère nous amener à 5 (au lieu de 8) sans supplément jusqu'à Douz. Fort heureusement pour nous, il n'avait pas en tête les horaires de bus.
Cependant, tout cela est sans doute trop beau pour être vrai, je l'interroge donc une dernière fois afin de mettre au clair les termes de notre accord avant de monter en voiture. "Oui, prix normal, pas de supplément pour Kebili." Kebili? Comment ça? Pas Douz? On va encore devoir changer de véhicule, mais je n'ai plus la force de négocier quoi que ce soit.
Je voulais montrer le Chott El Djérid à la fine équipe, mais il commence à se faire tard et la blancheur scintillante risque de se transformer en roseur somme tout banale. J'ai peur d'avoir trop parlé, de manière trop enthousiaste en tout cas, c'est une évidence. En effet, ils m'ont l'air un peu déçu. C'est normal, le chott n'a là rien d'impressionnant, c'est une simple surface plane qui s'étend des deux côtés de la route, rien de plus. Je suis un peu triste ; je n'y suis pour rien mais j'ai la sensation de les avoir trahis. le chott me déçoit, je ne le regarde même plus.