mercredi, décembre 14, 2005

Jour 1 : Tunis (12 juillet 2005)

18h30 : Débarquement à l'aéroport de Tunis-Carthage. On me jette là sur le tarmac avec pour seules instructions "Passez un bon séjour". En cette fin d'après-midi de juillet, l'air est agréable, une légère brise apporte un peu de fraîcheur.
J'attends le bus qui me conduira à Tunis, stoïque face à la horde de chauffeurs de taxi qui se succèdent auprès de moi. Mon sac à dos sur les épaules, j'ai du mal à passer pour autre chose qu'une Gaouria ; j'ai pourtant le profil basané d'une bonne maghrébine pure souche mais mon look me trahit, avant même que j'aie pu tenter de montrer patte blanche.
"Je te fais un prix, 5 DT pour Tunis!" Je rigole, mon bus me coutera 600 millimes, le dixième de ce qu'il me propose. Je refuse. "Comme vous voulez, le prochain est à 22 h" Je le regarde, effarée. Mince, y'a des gars qui n'ont peur de rien. Que ne ferait-on pour 5 dinars ! C'est précisément la question...
Bien entendu, le bus arrive 30 secondes plus tard pour m'emmener à Tunis. 1 DT me dit le billetiste. Mouais, j'ai comme la sensation d'être définitivement la poule aux oeufs d'or. Courageusement, je garde pour moi mes impressions et m'installe dans mon coin.
Le paysage s'égrène, rien de passionnant, une route d'aéroport en somme. Nous arrivons enfin, je reconnais les lieux. J'avais un peu peur d'avoir tout oublié, un an c'est long pour une mémoire. Tout était là pourtant, odeurs, sensations, cris, tout remonte à la surface, comme une impression de chez-soi, je suis de retour.
J'atteins enfin la médina, le trajet est long et entrecoupé de passages difficiles à cause des souks. La vieille ville de Tunis est d'une beauté étourdissante au sens propre, ses rues sont pavées et étroites, les étalages des marchands apostrophant le chaland en occupent la moitié et il est malaisé de s'y frayer un chemin.
On se laisse porter par le courant, et nul doute que Piaf a eu une pensée pour cette ville en chantant La Foule.
Enfin, après mille bifurcations sans doute inutiles, la voici, la tant désirée auberge de jeunesse. Sa gigantesque porte bleue, dans un quartier plutôt calme de la médina, impressionne et rassure en même temps. Et je n'avais pas encore franchi son seuil.
L'auberge de Tunis est, aux dires de tous, la plus belle du pays : installée dans une ancienne Dar richement décorée de mosaïques, elle possède une cinquantaine de lits qui s'organisent autour d'un patio baigné de la lumière astrale issue de sa coupole-verrière. Un lieu calme et imposant où l'on vient trouver le repos et un contact humain plus naturel après l'assourdissante expérience de la médina.
Je rencontre Jalloun qui m'encaisse mes deux nuits : Tu es Algérienne? Oui. Tu peux le prouver? Je n'ai que mon passeport français. Tant pis pour toi, tu paieras 8 DT au lieu de 7. Viens, je te présente aux autres.
Les autres, c'est Ellen, une stagiaire allemande qui s'intéresse à la culture arabe mais qui n'est pas satisfaite de son stage à l'auberge, elle n'a que des tâches ménagères à effectuer. Je me dis qu'elle n'a pas tout perdu, qu'elle expérimente la condition féminine en Tunisie, mais une fois de plus je me tais.
Un jeune homme me regarde, l'air goguenard mais curieux aussi. Alexis, c'est son nom, semble tout à fait à son aise ici. Ca fait dix jours qu'il est là ; dans une auberge de jeunesse, c'est un peu comme faire partie des meubles. Lui aussi est stagiaire, mais dans une banque, il doit donc se lever à 5 h du matin, horaires d'été obligent. On accroche tous d'emblée, ce qui permet d'avoir de la compagnie là où on pensait être seul au monde.
Dans la chambre que je partage, Laura et Jenny mettent un terme à leur tour tunisien et continuent vers l'Egypte. Je les envie un peu d'être deux pour partager ces moments et je regrette à l'avance cet endroit si chaleureux. Je sens déjà que, pour les deux seules nuits que je vais y passer, cette auberge va m'apporter rencontres et souvenirs impérissables.
Soudain, une horde de 31 Français de chez france Telecom viennent interrompre mes rêveries : ils sont affamés, se jettent sur le buffet et entament une série de jeux bruyants et joyeux. Nous sommes déjà au lit mais c'est sympathique, c'est aussi ça les nuits en auberge.

MAIL TO : Tout le monde
Coucou tout le monde!
Désolée pour ceux qui ont essayé de me joindre mais mon portable (comme d'habitude) ne fonctionne pas en Tunisie ; d'ailleurs, Alex, si tu voulais appeler Orange et les insulter pour moi, je t'avoue que je ne serais pas totalement contre...
Alors, je suis très bien partie et arrivée, c'est déjà un bon point. Les funky stories from Tunisie ont bien sûr commencé dès l'aéroport : arrivée à 18h40 comme prévu, je décide de prendre le bus pour tunis : un taximan débarque pour me proposer de m'emmener, je refuse "J'attends le bus, merci, c'est bon". Là, il regarde sa montre et l'air de rien balance, c'est comme tu veux, le prochain est à 22 h. Franchement, il aurait pas poussé le bouchon si loin, y aurait peut-être eu moyen que j'hésite, mais là, je crois qu'il a fait imploser les limites du pipeau. Evidemment le bus est arrivé trente secondes plus tard.
Sinon, l'auberge de jeunesse est très belle et les gens super sympa. Elle est en plein coeur de la medina, c'est une ancienne Dar entièrement décorée de mosaïques et construite autour d'un patio où l'on prend les repas, cafés ou un jus. Elle est réputée pour être la plus belle de Tunisie, et donc aussi la plus chère, 8 DT la nuit avec petit déjeuner, c'est à dire 6 euros... L'arnaque totale en somme. A ce rythme là, je sais pas si je vais pouvoir survivre longtemps ici.
Bref, finalement cette première journée s'est déroulée bien mieux que prévu, en définitive je suis même plutôt contente d'être là, donc jusque là...